CHAPITRE HUIT

« Merci d'être venu, amiral Courvosier. »

L'amiral Yanakov se leva pour accueillir son invité, qui haussa les sourcils en apercevant les deux femmes assises à table, car la richesse de leur toilette et de leurs bijoux les identifiait comme deux des épouses de Yanakov. Or une femme ne devait pas apparaître lors d'un dîner privé, à moins que les invités ne soient les plus proches amis de leur mari, et Yanakov savait que Courvosier connaissait cet usage... ce qui faisait de leur présence Co un message.

« Merci de m'avoir invité », répondit Courvosier, ignorant les femmes comme le demandait l'étiquette car personne ne les lui avait présentées. Mais, évidemment...

« Permettez-moi de vous présenter mes épouses, reprit Yanakov. Voici Rachel, ma première femme. » La femme assise à sa droite sourit en croisant le regard du Manticorien avec une franchise qui le surprit. « Rachel, voici l'amiral Raoul Courvosier.

— Bienvenue dans notre foyer, amiral. » A l'image de son sourire, sa voix était douce et assurée. Elle tendit la main. Personne n'avait expliqué à Courvosier comment on saluait la femme d'un officiel graysonien mais il n'avait pas passé sa vie au service de La Reine pour rien : il se pencha sur la main offerte et l'effleura des lèvres.

« Merci, madame Yanakov. Je suis très honoré. »

Le baisemain lui fit ouvrir de grands yeux mais elle n'eut aucun mouvement de recul ni signe de gêne. De fait, elle sourit de nouveau comme il lâchait sa main, qu'elle posa sur l'épaule de l'autre épouse présente.

« Puis-je vous présenter Anna, la troisième femme de Bernard ? » Anna leva la tête en souriant elle aussi et tendit la main pour qu'il l'embrasse à son tour. « Ma sœur Esther m'a demandé le vous présenter ses excuses, amiral », reprit Rachel, et Courvosier se souvint à temps que toutes les épouses d'un foyer graysonien se donnaient le nom de sœur. « Elle a attrapé un virus et le docteur Howard veut qu'elle garde le lit. » Le gracieux sourire de Rachel s'élargit cette fois davantage. «Je vous assure que, sans cet incident, elle aurait été présente. Comme nous toutes, elle attendait impatiemment de faire votre connaissance. »

Courvosier se demanda s'il serait bienvenu d'exprimer le désir de rencontrer Esther à une autre occasion. L'idée semblait assez inoffensive mais les hommes de Grayson étaient jaloux de leurs femmes. Mieux valait se contenter d'une formule qui éviterait tout impair.

« Dites-lui, je vous prie, combien je suis désolé que la maladie l’ait empêchée de venir.

— je n'y manquerai pas », répondit Rachel avant de l'inviter d’un geste gracieux à prendre place sur la quatrième chaise.

Elle agita une clochette tandis que Courvosier s'asseyait et des femmes silencieuses et efficaces – des jeunes filles plutôt, se reprit-il en se rappelant que ces gens n'avaient pas accès au prolong entrèrent avec empressement, portant des plateaux de hors-d’œuvre.

« Je vous en prie, ne vous privez pas, amiral, fit Yanakov tandis qu'on déposait un plateau devant son invité. Ces légumes proviennent des fermes orbitales et leur taux de métaux lourds est aussi faible que celui des cultures de Manticore ou de Sphinx. »

Courvosier hocha la tête mais il se garda bien de se jeter sur son assiette. Il attendit le départ des domestiques puis inclina respectueusement la tête tandis que Yanakov récitait un court bénédicité.

La cuisine de Grayson évoquait à Courvosier des saveurs orientales de la vieille Terre et de celles qu'il aurait pu rencontrer en Nouvelle Toscane, sur Manticore. Ce repas était succulent. Le chef cuisinier de Yanakov valait bien cinq étoiles au guide Cosmo, et la conversation à table ne ressemblait à rien de ce qu'il avait imaginé. Yanakov et ses officiers — tous les Graysoniens, en fait — s'étaient montrés si raides et si peu naturels, voire ouvertement méprisants, en présence d'officiers féminins qu'il s'était représenté une vie familiale austère et sans humour, dans laquelle on voyait peu les femmes et on les entendait encore moins. Or Rachel et Anna Yanakov étaient éloquentes et pleines de vie. On ne pouvait ignorer l'affection qu'elles portaient à leur mari, d'ailleurs Yanakov lui-même était un homme complètement différent : il franchissait enfin les limites de la formalité pour se révéler confiant et à l'aise dans ce cadre familier. Courvosier ne doutait pas que cette soirée fût destinée, du moins en partie, à lui montrer la face plus humaine de Grayson, pourtant il sentit sa tension se relâcher dans cette atmosphère accueillante et sincère.

Une musique douce passait en fond sonore. L'air, d'un genre inhabituel pour Courvosier (la musique classique de Grayson puisait sa source dans un genre appelé country »), était curieusement animé malgré sa tristesse latente. La salle à manger était vaste, même d'après les critères planétaires manticoriens. Sous le plafond haut et voûté, des tentures murales qui ressemblaient à des tapisseries côtoyaient des peintures à l'huile à l'ancienne mode. Elles représentaient essentiellement des thèmes religieux mais aussi des paysages à la beauté douce-amère et obsédante qui évoquaient un sentiment de perte, comme des fenêtres ouvert sur le pays des elfes, comme si les hommes qui peuplaient le monde ne devaient jamais s'approprier cette beauté.

Et entre deux de ces paysages languissants se découpait ni immense baie vitrée... hermétiquement scellée dans son cadre dotée de deux épaisseurs de verre. Un conduit de filtration d’air débouchait juste en dessous.

Courvosier frémit intérieurement. Cette fenêtre offrait un panorama stupéfiant : des montagnes sauvages, couronnées de neige et parées d'une verdure luxuriante, qui l'invitaient à jeter au loin ses bottes pour accourir à leur rencontre, pieds nus dans l’herbe bleu-vert. Pourtant la fenêtre était à jamais scellée contre cette éventualité et, précaution supplémentaire, un masque filtrant fourni par l'ambassade pendait à la taille de Courvosier dans un étui discret. Il n'en aurait pas besoin, lui avait assuré l’ambassadeur, tant qu'il limiterait ses séjours sur la planète... à moins que le taux de poussière atmosphérique n'augmente. Et dire que la famille de son hôte vivait là depuis neuf siècles, dans un environnement par bien des aspects plus dangereux que tout habitat spatial.

Il fit un effort pour se détourner de la baie vitrée et se mit à siroter son vin. Quand il releva les yeux, il croisa le regard et pensif de Yanakov.

Le repas prit fin, Rachel et Anna se retirèrent sur un gracieux au revoir., et un nouveau domestique — un homme cette fois — versa du brandy dans de petits verres de dégustation.

« J'espère que vous avez apprécié ce dîner, amiral ? dit Yanakov en faisant délicatement passer son verre sous son nez.

— Il était exquis, amiral Yanakov, tout comme les convives. » Courvosier eut un sourire. » je suis sûr, d'ailleurs, que les convives se voulaient exquis, ajouta-t-il lentement.

— Touché », murmura Yanakov en souriant en retour. Il posa son verre avec un soupir. « À vrai dire, amiral, cette invitation était en quelque sorte une façon de vous présenter mes excuses. Nous vous avons bien mal traités, notamment vos officiers féminins. » Il avait utilisé l'adjectif avec une hésitation infime, nota Courvosier.

« Je voulais vous montrer que nous ne sommes pas complètement barbares. Ni que nous ne gardons pas nos femmes en cage. »

Courvosier fit la moue, au ton sec de son interlocuteur mais il gouta son brandy avant de répondre; lorsqu'il parla, sa voix était égale.

« J'apprécie ce geste, amiral Yanakov. Mais franchement, ce n'est pas à moi que vous devez des excuses. »

Yanakov rougit, mais il hocha la tête.

« Je m'en rends bien compte, cependant vous devez comprendre que nous tâtonnons encore dans ce domaine. Selon les usages de Grayson, il serait parfaitement inconvenant de ma part d'inviter une femme chez moi sans son protecteur. » Il rougit plus encore en voyant le sourcil interrogateur de Courvosier. « Bien sûr, je sais que vos femmes n'ont pas de "protecteur" comme les nôtres. D'un autre côté, je dois prendre en compte la réaction qu'aurait mon propre peuple - mes subalternes et les délégués à la Chambre - si je violais aussi ouvertement les usages. Et pas seulement leur réaction à mon égard mais aussi vis-à-vis de vos officiers pour avoir accepté l'invitation. C'est pourquoi je vous ai invité, vous que mon peuple considère plus ou moins comme le protecteur de tout le personnel féminin de votre délégation.

— Je comprends. » Courvosier but une nouvelle gorgée du brandy. «Je comprends, en effet, et j'apprécie réellement. Je me ferai également un plaisir de transmettre vos excuses - très discrètement, bien sûr - à mes officiers.

— Merci. » Le soulagement et la gratitude de Yanakov étaient évidents. « Il y a des gens sur cette planète qui s'opposent à l'idée même d'une alliance avec Manticore. Certains craignent qu'une culture étrangère ne nous contamine, d'autres ont peur qu'une telle alliance ne nous attire les foudres de Havre au lieu de nous en préserver. Le Protecteur Benjamin et moi-même ne somme pas de ceux-là. Nous sommes trop conscients de ce que cette alliance pourrait nous apporter, et pas seulement sur le plan militaire. Pourtant, il semble que nous ayons tout fait de travers depuis votre arrivée. Nos erreurs ont creusé des gouffres entre nous, et l'ambassadeur Masterman s'est empressé de les élargir.» Je le regrette profondément, amiral Courvosier, et avec moi le Protecteur Benjamin. D'ailleurs, il m'a expressément chargé de vous exprimer ses regrets, en tant qu'homme et en tant que chef du gouvernement de Grayson.

— Je comprends », répéta Courvosier, beaucoup plus doucement, tandis qu'un frisson le traversait. Il venait d'entendre l'aveu l'intérêt le plus franc hasardé jusque-là, une ouverture dont il savait que Yanakov voulait le voir se saisir, pourtant elle lui laissait un goût amer dans la bouche. Il appréciait la plupart des Graysoniens qu'il avait rencontrés - pas tous, certes, mais la plupart -malgré leur attitude réservée et leurs usages sociaux pointilleux. Toutefois, si reconnaissant fût-il de cette ouverture, il ne pouvait oublier qu'elle se présentait alors qu'Honor était partie depuis un jour a peine.

« Amiral Yanakov, reprit-il finalement, dites au Protecteur Benjamin que j'apprécie profondément son message et que, au nom de ma reine, je me réjouis de la perspective d'une alliance que nous espérons tous. Mais je dois également vous dire, amiral, que la façon dont vos subalternes se sont conduits envers le capitaine Harrington est inexcusable aux yeux de Manticore. »

Yanakov  s'empourpra de nouveau, plus nettement qu'avant, mais, il resta sans bouger, invitant clairement son hôte à continuer. Courvosier se pencha donc vers lui de l'autre côté de la table.

« Je ne suis en aucun cas le "protecteur" du capitaine Harrington, amiral. Elle n'en a pas besoin et, pour tout dire, elle serait vexée qu'on puisse le penser. C'est l'officier le plus dévoué et le plus courageux qu'il m'ait jamais été donné de connaître, et son grade, à un âge très précoce pour un ressortissant de notre royaume -- est une indication de la haute estime dans laquelle sa hiérarchie la tient. Mais si elle n'a pas besoin de la protection de quiconque, c'est néanmoins mon amie. Une amie très chère, une étudiante que je considère comme la fille que je n'ai jamais eue, et la façon dont elle a été traitée est une insulte à notre Flotte tout entière. Son professionnalisme et sa discipline seuls l'ont empêchée d'y répondre, mais je vous dis maintenant, amiral, qu'à moins que votre peuple - ou du moins votre personnel militaire - ne parvienne à la traiter comme l'officier de la Reine qu'elle est et non comme une bête curieuse, les chances qu'une coopération authentique s'établisse entre Grayson et Manticore sont extrêmement réduites. Le capitaine Harrington se trouve être la meilleure de nos officiers féminins, mais elle est loin d'être notre seule femme soldat.

— Je le sais. » La réponse de Yanakov était presque un murmure. Il s'accrochait à son verre de brandy. « Je m'en suis rendu compte avant même votre arrivée, et je nous croyais prêts à gérer la situation. Je me croyais prêt. Mais ce n'était pas le cas et le départ du capitaine Harrington est pour moi une source de honte. Je comprends bien que c'est notre conduite qui l'explique, quelle que soit la version officielle. C'est ce qui m'a... poussé à vous inviter ce soir. »

Il prit une profonde inspiration et croisa le regard du Manticorien.

«Je ne vais pas essayer de nier tout ce que vous venez de dire, amiral Courvosier. Je l'accepte et je vous donne ma parole que je vais faire de mon mieux pour résoudre ce problème. Mais je doit également vous prévenir que ce ne sera pas facile.

— Je sais bien.

— Oui, mais vous ne comprenez peut-être pas tout à Lui pourquoi. » Yanakov eut un geste vers la fenêtre et les montagnes qui s'assombrissaient. Le soleil couchant teintait de sang les pics enneigés et les arbres bleu-vert se dessinaient en noir.

« Ce monde n'est pas tendre pour ses femmes, fit-il doucement. À notre arrivée, la colonie comptait quatre femmes pour un homme car l'Église de l'Humanité avait toujours pratiqué la polygamie... et ce n'était pas plus mal. »

II s'arrêta et but une gorgée de brandy, puis il soupira.

« Nous avons eu presque mille ans pour nous adapter à environnement et mon organisme tolère les métaux lourds tel que l'arsenic et le cadmium beaucoup mieux que le vôtre, mais regardez-nous. Nous sommes petits et secs, nous avons de mauvaises dents, des os fragiles et une espérance de vie d'à peine soixante-dix ans. Nous surveillons quotidiennement la toxicité de nos terres agricoles, nous distillons chaque goutte d'eau avant de la boire et pourtant nous continuons à souffrir de dommages neurologiques massifs, de retards mentaux, et nos enfants naissent avec des tares. Même l'air que nous respirons est notre ennemi : la troisième cause de décès sur notre planète est le cancer du poumon - le cancer du poumon ! Dix-sept siècles après que Lao Than eut mis au point son vaccin ! Et nous devons faire face a tout cela, amiral, tous ces problèmes de santé, malgré neuf cent ans - presque un millénaire - d'adaptation. Avez-vous la moindre idée de ce que la vie pouvait être pour les colons de la première génération ? Ou de la deuxième ? »

Il secoua tristement la tête, les yeux fixés sur son verre.

A la première génération, deux nourrissons sur trois étaient mort-nés. Des enfants nés vivants, la moitié souffraient de difformations trop graves pour survivre à la petite enfance, et notre propre survie était si précaire qu'il n'y avait aucun moyen de consacrer nos ressources à les maintenir en vie. Nous avons donc pratiqué l'euthanasie et les avons "renvoyés dans la maison du seigneur»

Il leva les yeux; ses mains se tordaient de douleur.

« Depuis, ce souvenir nous hante, et cela ne fait pas si longtemps, que nous avons cessé d'euthanasier les bébés nés avec des anomalies mineures corrigibles. Je peux vous montrer les cimetières, les rangées entières de noms d'enfants, les plaques anonymes qui ne portent que des dates. Mais il n'y a pas de tombes. Même aujourd'hui, il n'y en a pas. Les traditions de nos débuts ont la vie trop dure pour cela, et les premières générations avaient un besoin trop pressant de sol pour porter les récoltes terrestres, Il sourit, et la douleur s'atténua légèrement. « Nos coutumes sont différentes des vôtres, certes, mais aujourd'hui nos morts donnent vie à des jardins du souvenir et non plus à des potagers ou des champs de maïs et de haricots. Un jour je vous montrerai le jardin Yanakov. C'est un endroit très... paisible.

» Mais c'était différent du temps de nos pères fondateurs, et le coût émotionnel était terrible pour ces femmes qui perdaient bébé après bébé; qui voyaient enfant après enfant tomber malade et mourir, mais qui n'avaient pas d'autre choix que de concevoir encore et encore, même au prix de leur propre vie, si la colonie voulait survivre... » Il secoua de nouveau la tête.

Tout aurait pu être différent si nous n'avions pas été une société aussi patriarcale, mais notre religion nous enseignait que les hommes devaient prendre soin des femmes et les guider, que les femmes étaient plus faibles et moins résistantes, et nous ne pouvions pas les protéger. Nous ne pouvions pas nous protéger nous-mêmes, mais le prix qu'elles payaient étaient tellement plus lourd que le nôtre... et c'était nous qui les avions amenées là. »

Yanakov s'appuya sur le dossier de sa chaise et agita vaguement la main devant lui. Les lumières n'étaient pas allumées et Courvosier entendit la douleur qui imprégnait sa voix dans l'obscurité grandissante.

« Nous étions des fanatiques religieux, amiral Courvosier, sinon nous ne nous serions pas retrouvés là. Certains d'entre nous le sont encore, pourtant je nous soupçonne pour la plupart de ne plus vraiment avoir le feu sacré – il s'est peut-être adouci. Mais à l'époque nous étions des fanatiques, sans aucun doute, ci certains des pères fondateurs ont accusé leurs femmes d'être responsables de la situation parce que, selon moi, c'était bien plus facile que de saigner à leur place. Et bien sûr eux aussi souffraient lorsque leurs fils et leurs filles mouraient. Ils ne pouvaient pas accepter cette douleur, sinon ils auraient simplement abandonné la lutte et seraient morts à leur tour, alors ils l'ont intériorisée et transformée en colère – une colère qu'ils ne pouvaient pas diriger contre Dieu et qui ne pouvait donc trouver qu'une seule cible.

— Leurs femmes, murmura Courvosier.

— Exactement, soupira Yanakov. Comprenez-moi bien, amiral. Les pères fondateurs n'étaient pas des monstres, et je ne cherche pas d'excuses à mon peuple. Nous ne sommes rien d'autre que le produit de notre passé, tout comme votre propre peuple. Ceci est la seule culture, la seule société que nous ayons jamais connues, et nous les mettons rarement en doute. Je m'enorgueillis de ma connaissance de l'histoire, mais à dire vrai je n'avais jamais fait une telle analyse avant d'avoir à affronter les différences qui nous séparent, et je crains que peu de Graysoniens creusent jamais assez profondément pour comprendre comment et pourquoi nous sommes devenus ce que nous sommes. Est-ce différent chez vous ?

— Non. Absolument pas.

— C'est bien ce que je pensais. Mais ces premiers temps Durent terribles pour nous. Même avant la mort du révérend Grayson, les femmes étaient déjà traitées en biens mobiliers plus qu'en épouses. Le taux de mortalité était aussi élevé parmi les hommes, or nous étions moins nombreux dès le départ. Et puis la biologie nous a joué un autre mauvais tour. À la naissance, tous avions trois fois plus de filles que de garçons, donc si nous voulions arriver à une population viable, tout père potentiel devait commencer à procréer le plus tôt possible et répandre ses gènes aussi largement que possible avant que Grayson le tue. C'est ainsi que se sont développés nos foyers. Et comme ils se développaient, la famille a pris une importance vitale et l'autorité du patriarche s'est faite absolue. C'était une condition à la survie qui ne cadrait que trop bien avec nos conceptions religieuses. Au bout d'un siècle, les femmes n'étaient même plus des personnes, plus vraiment. Elles étaient devenues des biens, des reproductrices, la promesse que l'homme perdurerait dans un monde qui lui offrait une espérance de vie inférieure à quarante ans de labeur exténuant. Et nos efforts en vue de créer une société pieuse ont institutionnalisé cette situation. »

Yanakov se tut à nouveau et Courvosier examina son profil qui se découpait sur le coucher de soleil couleur sang. C'était un aspect de Grayson qu'il n'avait même jamais imaginé, et il en avait honte. Il avait condamné leur étroitesse d'esprit pour se féliciter de sa propre tolérance cosmopolite, et pourtant sa conception de leur culture s'était révélée aussi réductrice que leur vision des usages de Manticore. Il n'avait pas besoin qu'on lui dise que Bernard Yanakov était un représentant exceptionnel de cette société, que bien trop de Graysoniens n'envisageraient pas une seconde de remettre en cause l'ascendant de droit divin qu'ils exerçaient sur les femmes de leur entourage. Mais Yanakov était tout aussi réel que ces autres, et Courvosier soupçonnait que l'âme de Grayson s'exprimait par sa voix.

Il y avait bien des Manticoriens qui ne valaient pas la peine qu'on se donne du mal pour eux, mais ils ne représentaient pas la vraie Manticore. C'étaient des gens comme Honor Harrington qui incarnaient Manticore. Des gens qui rendaient le Royaume meilleur que lui-même ne l'aurait rêvé, qui le forçaient à se montrer à la hauteur de ses idéaux parce qu'eux y croyaient et poussaient d'autres gens à y croire aussi. Et peut-être que les gens comme Bernard Yanakov incarnaient la véritable Grayson, se dit-il.

Yanakov finit par se redresser, puis il passa la main sur un rhéostat. La lumière se fit, chassant l'obscurité, et il se tourna vers son invité.

«  Après les trois premiers siècles, la situation avait changé. Nous avions perdu une immense partie de notre technologie, bien sûr. Le révérend Grayson et les premiers Anciens l'avaient prévu – et ils avaient délibérément laissé derrière eux les professeurs et les manuels, l'élément essentiel qui aurait entretenu notre connaissance des sciences physiques. Nous avons eu de la chance que l'Église n'ait pas considéré la biologie avec la même méfiance, mais dans ce domaine aussi nous manquions désespérément de spécialistes. Contrairement à la colonie de Manticore, personne ne savait où nous étions, et personne ne s'en préoccupait. Et pour cette raison aucun navire doté de voiles Warshawski ne s'est arrêté ici avant environ sept cents ans. Notre vaisseau a quitté la vieille Terre cinq cents ans avant celui des fondateurs de Manticore, donc nous avions un handicap technologique de cinq siècles, et nul n'est venu nous enseigner les technologies qui auraient pu nous sauver. Le simple fait que nous ayons survécu est la preuve la plus claire de l'existence d'un dieu, amiral Courvosier, mais nous sommes revenus à zéro. Nous n'avions que des lambeaux de connaissances, et lorsque nous avons commencé de nous en servir, nous nous sommes retrouvés face au pire danger de tous : le schisme.

— Entre les Fidèles et les Modérés, fit doucement Courvosier.

— Précisément. Les Fidèles, qui s'accrochaient aux doctrines d'origine de l'Église et maudissaient la technologie. » Yanakov se mit à rire sans joie. Même pour moi, il est difficile d'imaginer comment on pouvait tenir un tel discours, alors je ne crois pas que ce soit possible pour quelqu'un venu de l'extérieur. Depuis l'enfance, ma survie a toujours dépendu de notre technologie, si arriérée soit-elle par rapport à la vôtre. Comment des gens si près de l'extinction pouvaient-ils croire au nom de Dieu qu'Il leur demandait de vivre sans ses apports ?

» Mais c'est ce qu'ils ont fait, du moins au début. Les Modérés, d'un autre côté, pensaient que notre situation correspondait au Déluge de notre foi, un désastre qui devait enfin clarifier la volonté de Dieu. Ce qu'Il exigeait de nous, c'était de développer un mode de vie où la technologie serait utilisée comme Il l'avait voulu : au lieu de dominer l'homme, elle l'aurait servi.

» Même les Fidèles ont fini par accepter cette idée, mais l’hostilité existait déjà et les factions se sont de plus en plus éloignées. Pas sur la question de la technologie cette fois, mais sur celle de la piété, et là les Fidèles se montraient plus que conservateurs. Ce sont devenus des extrémistes réactionnaires : ils ont taillé la doctrine de l'Église à la mesure de leurs préjugés. Vous trouvez barbare la façon dont nous traitons nos femmes... Avez-vous jamais entendu parler de la doctrine de la Seconde Chute ? » Courvosier répondit par un signe de tête négatif et Yanakov soupira.

« Elle est née de la pensée des Fidèles, en quête de la volonté de Dieu, amiral. Saviez-vous qu'ils considèrent le Nouveau Testament comme une hérésie parce que l'avènement de la technologie sur Terre "prouve" que le Christ ne pouvait pas être le vrai Messie ? »

Cette fois Courvosier hocha la tête; le visage de Yanakov était sombre.

« Eh bien, ils sont allés encore plus loin. Selon leur théologie, la responsabilité de la première Chute, celle de l'Éden à la Terre, incombait à Ève, et nous avions donc créé ici une société où la femme n'avait même plus le statut de personne. Les Modérés voyaient en ce qui nous était arrivé notre version du Déluge, ils croyaient - comme nous le faisons encore aujourd'hui - que Dieu éprouvait notre foi, mais de leur côté les Fidèles étaient persuadés que Dieu ne nous avait jamais destinés à faire face à l'environnement de Grayson. Qu'Il l'aurait transformée en un nouvel Éden si nous n'avions pas péché après notre arrivée. Comme Ève avait commis le premier péché, pour eux les filles d'Eve portaient la responsabilité de ce nouveau péché, la cause de notre Seconde Chute. Cela justifiait la façon dont ils traitaient leurs femmes et leurs filles, et ils exigeaient que nous l'acceptions tous, tout comme ils exigeaient que nous appliquions leurs lois alimentaires et la lapidation.

» Bien sûr les Modérés s'y sont opposés, et la haine entre les factions a grandi jusqu'à déboucher, comme vous le savez, sur une guerre civile. Une guerre terrible, amiral Courvosier. Les Fidèles n'étaient qu'une minorité et leurs rangs ne comptaient que peu de véritables fanatiques, pourtant ceux-là ne montraient aucune pitié. Ils avaient la certitude que Dieu était de leur côté. Tout ce qu'ils faisaient, ils le faisaient en son nom, et tous ceux qui s'opposaient à eux - des hommes forcément vils et mauvais-ne méritaient pas de vivre. Nous étions encore loin d'avoir reconstitué une base technologique avancée mais nous savions produire des armes, des tanks et du napalm - et, bien sûr, les Fidèles avaient fabriqué une arme apocalyptique en dernier recours. Nous ignorions tout de son existence jusqu'à ce que Barbara Bancroft, la femme de leur meneur le plus extrémiste, décide que les Modérés devaient savoir. Elle est passée de notre côté - elle s'est retournée contre tout ce en quoi les Fidèles croyaient - pour nous prévenir; mais son courage a amené son lot de nouvelles tragédies. »

Yanakov planta ses yeux dans son verre de brandy.

« Barbara Bancroft est... eh bien, je suppose qu'on pourrait l'appeler notre "héroïne nationale". Notre planète lui doit la vie. C'est notre Jeanne d'Arc, notre Dame du Lac, dotée de toutes les vertus que nous chérissons dans nos femmes : aimante, attentionnée, prête à risquer sa vie pour sauver celle de ses enfants. Mais c'était aussi un idéal, une figure mythique dont le courage et la solidité ne pouvaient être exigés d'une femme "ordinaire". Nous l'avons fait cadrer avec nos préjugés, pourtant aux yeux des Fidèles, celle que nous appelons la Mère de Grayson est le symbole même de la Seconde Chute, la preuve que toutes les femmes sont par essence corrompues. Ils ont peut-être rejeté le Nouveau Testament mais ils ont leur version de l'Antéchrist, et ils l'appellent la Putain de Satan.

« Toutefois, grâce à Barbara Bancroft, nous étions prêts lorsque les Fidèles ont menacé de tous nous détruire. Nous savions que la seule réaction possible était de bannir ces fous, et c'est là, amiral, c'est là que l'univers nous a joué son tour le plus cruel, car nous avions un moyen de le faire. »

Il soupira de nouveau et se cala dans sa chaise.

« C'est mon propre ancêtre, Hugh Yanakov, qui commandait notre navire colonisateur et il avait essayé de lui conserver au moins une capacité de vol limitée, mais les premiers Anciens avaient détruit les installations cryogéniques dès notre arrivée sur la planète. C'était leur façon de brûler leurs vaisseaux derrière eux et de se livrer, eux et leurs descendants, à leur nouveau monde. Je doute qu'ils l'auraient fait s'ils avaient eu une plus grande culture scientifique. Mais puisque le bâtiment ne pouvait plus nous emmener au loin, notre situation désespérée ne nous laissait pas le choix : nous avons cannibalisé le navire.

» Ainsi nous étions là, pour y vivre ou y mourir, et bizarrement nous avions réussi à vivre. Toutefois, à l'époque de la guerre civile, nous avions atteint le stade de connaissances qui nous permettait de construire à nouveau des vaisseaux rudimentaires à propulsion chimique – et bien sûr non hypercapables. Ils étaient beaucoup moins perfectionnés que le bâtiment qui nous avait amenés, ils ne disposaient pas d'installations cryogéniques, mais ils pouvaient faire l'aller-retour vers Endicott en douze à quinze ans. Nous y avions même envoyé une expédition et découvert ce qui est aujourd'hui Masada.

» L'inclinaison axiale de Masada est supérieure à quarante degrés et son climat est terriblement rude, comparé à celui de Grayson, mais les hommes peuvent y manger les plantes et les animaux. Ils peuvent vivre sans craindre un empoisonnement au plomb ou au mercure dès qu'ils respirent une poussière. La plupart d'entre nous auraient donné tout ce qu'ils possédaient pour partir là-bas, mais c'était impossible. Nous n'avions pas la capacité nécessaire au déplacement de tant de gens. Mais lorsque la guerre civile a débouché sur la menace d'une poignée de fanatiques qui voulaient faire sauter toute la planète, nous pouvions les déplacer, eux, sur Masada. »

Il se remit à rire, d'un rire plus dur et plus triste encore.

« Imaginez, amiral. Nous devions les chasser, et la seule planète sur laquelle nous pouvions les exiler valait infiniment mieux que celle où nous autres devions rester ! Ils étaient à peine cinquante mille, et, selon les termes de notre accord de paix, nous les avons équipés aussi généreusement que possible et nous les avons envoyés au loin. Et puis ceux qui restaient se sont évertués à tirer le meilleur parti de Grayson.

— Je trouve que vous vous êtes plutôt bien débrouillés, dans ces conditions, fit doucement Courvosier.

— Oh, oui. Paradoxalement, j'aime ma planète. Elle fait tout ce qu'elle peut chaque jour pour avoir ma peau, et elle y parviendra tôt ou tard, mais je l'aime. C'est ma maison. Pourtant nous lui devons aussi ce que nous sommes, parce que nous avons survécu, et ce sans perdre la foi. Nous croyons encore en Dieu, nous croyons encore que tout ceci est une épreuve, une purification. Je suppose que vous trouvez cela irrationnel ? »

La question aurait pu être caustique mais elle était presque douce.

« Non, répondit Courvosier après un instant. Pas irrationnel, je ne suis pas sûr que je pourrais partager votre foi après tout ce que votre peuple a traversé, mais je suppose qu'un Graysonien trouverait ma foi incompréhensible. Nous sommes ce que nos vies – et Dieu – ont fait de nous, amiral Yanakov, et c'est aussi vrai des Manticoriens que des Graysoniens.

— C'est un point de vue très tolérant, fit sereinement Yanakov. Un point de vue que bien des gens d'ici, la plupart sans doute, accepteraient difficilement. Pour ma part, je pense que vous avez raison, pourtant c'est toujours la foi qui dicte notre conduite envers nos propres femmes. Oh, nous avons changé au fil des siècles – nos ancêtres ne se disaient pas Modérés pour rien ! – mais nous restons les mêmes. Les femmes ne sont plus des biens, et nous avons imaginé des codes de conduite élaborés pour les protéger et les chérir, en partie en réaction contre les Fidèles, je crois. Je sais que bien des hommes abusent de leurs privilèges, maltraitent leurs épouses et leurs filles, mais l'homme qui insulte une femme en public se fera lyncher sur l'instant, dans le meilleur des cas, et nos femmes sont infiniment mieux traitées que celles des Masadiens. Pourtant elles demeurent légalement et religieusement inférieures. Malgré la Mère de Grayson, nous l'imputons à leur faiblesse : elles supportent trop d'autres fardeaux pour qu'on les force à voter et à posséder des biens... ou à servir dans l'armée. » Il croisa le regard de Courvosier avec un sourire contraint. « Et c'est pour cette raison que votre capitaine Harrington nous effraie tant. Elle nous terrifie, pour tout dire, parce que c'est une femme et que, au fond de nous-mêmes, nous savons que Havre a menti sur les événements de Basilic. Imaginez-vous la menace que cela représente pour nous ?

— Pas vraiment, non. Je saisis bien certaines implications mais ma culture est trop différente pour qu'elles m'apparaissent toutes.

— Alors comprenez ceci, amiral, s'il vous plaît. Si le capitaine Harrington est un officier aussi remarquable que vous le croyez –et que je le crois –, elle est la preuve que notre conception de la féminité est erronée. La preuve que nous avons tort, que notre religion a tort. La preuve que nous avons passé neuf siècles dans l'erreur. Cette idée ne nous paraît pas aussi terrible que vous pourriez le penser : après tout, nous avons passé ces mêmes neuf siècles à accepter l'idée que nos pères fondateurs avaient tort, ou du moins pas complètement raison. Je pense que nous pouvons admettre notre erreur, avec le temps. Ce ne sera pas simple, il nous faudra faire face à notre équivalent moderne des Fidèles, mais je persiste à croire que nous pouvons le faire.

» Pourtant, si nous l'admettons, que devient Grayson ? Vous avez rencontré deux de mes femmes. Je les aime toutes les trois tendrement, je mourrais pour les protéger, mais votre capitaine Harrington, par sa simple existence, me montre que j'ai fait d'elles des êtres moindres que ce qu'elles auraient pu devenir. Et en vérité, elles sont moins que le capitaine Harrington. Moins capables de son indépendance, d'accepter les responsabilités el les risques. Alors que suis-je censé faire, amiral ? Leur dire de ne plus se soumettre à mon jugement? D'entrer sur le marché du travail? De réclamer leurs droits et d'enfiler le même uniforme que moi? Comment saurai-je à quel moment mes doutes quant a leurs capacités cessent d'être le fruit d'un amour et d'une inquiétude sincères ? Lorsque l'idée qu'elles doivent être rééduquées avant de devenir mes égales cesse d'être une appréciation réaliste des limites de leur éducation pour devenir un sophisme destiné à renforcer le statu quo et à protéger mes droits et mes privilèges ? »

Il se tut encore une fois et Courvosier fronça les sourcils.

« Je... je ne sais pas. Personne ne peut le savoir à part vous, je suppose. Ou elles.

— Tout à fait. » Yanakov avala une grande gorgée de brandy puis posa soigneusement le verre sur la table. « Personne ne peut le savoir – mais la boîte de Pandore est ouverte maintenant... disons entrouverte pour l'instant; pourtant, si nous signons ce traité, si nous nous lions militairement et économiquement à un allié qui traite les femmes comme les égales des hommes, nous allons devoir trouver une réponse, nous tous, les femmes comme les hommes, parce qu'une chose est certaine : nul ne peut transformer la vérité en mensonge simplement parce qu'elle fait mal. Quoi qu'il nous arrive face à Masada ou à la République populaire de Havre, notre traité avec vous va nous détruire, amiral Courvosier. Je ne sais même pas si le Protecteur s'en rend bien compte. Peut-être que oui. Il a été éduqué sur une autre planète, alors peut-être regarde-t-il cela comme le levier qui nous forcera a accepter votre vérité. Non, pas votre vérité, la vérité. »

Il se remit à rire, plus librement cette fois, et à jouer avec son verre.

« Je pensais que cette conversation serait beaucoup plus pénible, vous savez, dit-il.

— Vous voulez dire qu'elle ne l'a pas été ? demanda Courvosier, ironique, et Yanakov étouffa un rire.

— Oh si, amiral, oh si ! Mais je pensais que ce serait encore pire» Le Graysonien prit une profonde inspiration et se redressa sur sa chaise, avant de reprendre vivement : « En tout cas, voilà e qui explique notre réaction. J'ai promis au Protecteur d'essayer de vaincre mes préjugés ainsi que ceux de mes officiers et de mes soldats, et je prends mon devoir envers le Protecteur autant au sérieux que vous le vôtre envers votre reine, j'en suis sûr. Je vous jure que nous allons faire cet effort, mais, s'il vous plaît, gardez à l'esprit que je suis mieux éduqué et plus expérimenté que la plupart de mes hommes. Nos vies sont bien plus courtes que les vôtres. Peut-être vos concitoyens atteignent-ils la sagesse tant qu'ils sont assez jeunes pour que ce soit utile ?

— Pas vraiment. » Courvosier se surprit à étouffer un rire. « Ils accumulent des connaissances, certes, mais la sagesse semble venir plus difficilement, n'est-ce pas?

— Vous avez raison. Mais elle finit par venir, même à des gens rigides et conservateurs comme ceux de mon peuple. Soyez aussi patients avec nous que vous le pourrez, s'il vous plaît – et dites au capitaine Harrington à son retour que je serais honoré qu'elle accepte d'être mon invitée pour dîner.

— Avec un protecteur ?» le taquina gentiment Courvosier. Yanakov eut un sourire.

« Avec ou sans, comme elle voudra. Je lui dois des excuses personnelles, et j'imagine que le meilleur moyen d'enseigner à mes officiers à la traiter comme elle le mérite reste d'apprendre à le faire moi-même. »

 

Pour L'Honneur de la Reine
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